La durée de cotisation requise pour avoir une retraite à
taux plein est passée de 37,5 ans pour les générations nées avant 1934 à 41,5
ans pour les générations nées en 1955 suite aux réformes successives depuis
1993, soit plus de quatre ans d’allongement de la durée de cotisation en
l’espace de 26 ans. Or le gouvernement envisage encore de prolonger
l’allongement de la durée de cotisation jusqu’à 43 annuités pour la génération
née en 1973. Nous avons toutes les raisons de nous opposer à cette réforme qui,
loin de répondre aux évolutions de la société, mine le système par répartition
L’allongement de la durée de vie : les salariés ont déjà donné !
L’allongement de la durée de cotisation est souvent justifié
par le MEDEF et les libéraux par l’allongement de la durée de vie. Or depuis le
début des années 1990 les réformes libérales des retraites ont exigés des
salariés, plus encore que l’allongement de leur durée de vie.
·
Depuis 1993 l’allongement de la durée de
cotisation a été plus rapide (+3,75 annuités) que l’allongement de l’espérance de
vie à 60 ans (+3,38 années pour les hommes, +2,76 pour les femmes[1]).
·
Entre 2000 et 2020, selon les réformes déjà
votées, l’augmentation de la durée de cotisation représentera 86% de
l’augmentation de l’espérance de vie des hommes et 117% de celle des femmes.
De plus pour travailler et pour profiter de la retraite il
ne suffit pas d’être vivant. Or si l’espérance de vie augmente régulièrement,
la période où nous connaissons des difficultés de santé et des incapacités
s’allonge également.
·
L’espérance de vie en bonne santé stagne pour
les hommes (62,7 ans en 2011 contre 62,3 ans en 2005) et marque un recul pour
les femmes (63,6 en 2011 contre 64,6 en 2005)[2].
·
L’espérance de vie n’est pas également
distribuée : l’espérance de vie à 35 ans des cadres est supérieure de 6
ans à celle des ouvriers. Augmenter la durée de cotisation (et implicitement
l’âge de liquidation) c’est aussi augmenter le risque de ne jamais atteindre la
retraite.
[2]
[2] Indicateur d’espérance de vie en bonne santé à la naissance, « ou années de vie en bonne santé » (AVBS) disponible sur Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/health/public_health/data_public_health/database
[2] Indicateur d’espérance de vie en bonne santé à la naissance, « ou années de vie en bonne santé » (AVBS) disponible sur Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/health/public_health/data_public_health/database
Ainsi si l’espérance de vie a effectivement augmenté, les
salariés ont été largement mis à contribution par les réformes précédentes.
Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), les générations nées après
1950 auront même pour la première fois, du fait des réformes précédentes, un
temps de retraite plus court que celui de leurs ainés[1].C’est
bien là un recul social.
L’effet principal de l’allongement de la durée de cotisation : la baisse des pensions liquidées à l’âge légal
Du fait de la « décote », la durée de cotisation
requise génère un effet de « double peine » : la retraite baisse
plus que proportionnellement au nombre de trimestres manquants. Ainsi la décote
peut diminuer le taux de remplacement de la pension de 25% par rapport aux
nombre d’années effectivement cotisées. La décote frappe tous les salariés qui
n’atteignent pas le nombre de trimestres requis : soit en diminuant leur
pension, soit en les poussant à attendre l’âge de liquidation sans décote (65 à
67 ans selon l’année de naissance). En 2012, plus d’un salarié sur trois
partant en retraite n’obtenait pas de retraite à « taux plein » avant
65 ans (26,5% liquidaient après 65 ans[2], 8%
étaient concernés par la décote)[3]. Or les
effets des réformes précédentes ne sont pas encore épuisés : un
allongement de la durée de cotisation est déjà programmé d’ici à 2020 alors
même que rien n’indique que les salariés seront en mesure de travailler plus
longtemps.
Allonger la durée d’activité requise c’est aggraver le
problème : si l’on allonge la durée de cotisation par exemple d’un an
entre 2020 et 2035, tous les salariés
qui ne réuniront pas une année de cotisation supplémentaire seront pénalisés
par cette double peine (carrière incomplète + décote). Par exemple pour un
salarié ayant validé en 2035 entre 38 et 42 annuités à 62 ans (ce qui relève
déjà de l’exploit) la réforme coutera de l’ordre de 7 à 8% du montant de la
pension si celle-ci est liquidée à 62 ans (Tableau 1).
Dans la majorité des cas ce ne sont pas les salariés qui décident de leur durée de cotisation
Le principe de l’allongement de la durée de cotisation
consiste à « inciter » les salariés à travailler plus longtemps.
Seulement dans bien des cas on ne choisit pas son nombre d’annuités. En effet
les périodes de chômage non indemnisé, les périodes d’inactivités (qui
concernent notamment les femmes) et les années d’études ne sont pas comptés
dans les « trimestres validés » ; le temps partiel se traduit
également par un nombre plus faible de trimestres validés.
De plus le marché du travail fait pression sur les
« seniors » pour les sortir de l’emploi avant l’âge légal de la
retraite. On sait bien que le taux de chômage des travailleurs de plus de 55
ans est plus élevé que celui des 35-45 ans. Ainsi au moment de la « liquidation »
de leur pension, les seniors ont souvent connu une longue période de
chômage ou d’inactivité depuis leur dernier emploi ; d’autres encore n’ont
d’autre choix que de continuer à travailler alors que leur santé est
dégradée. Allonger la durée de cotisation peut les inciter à rallonger
encore cette période de précarité entre l’emploi et la retraite sans qu’ils
n’aient le choix de travailler plus.
Du fait des carrières incomplètes et de l’allongement de la
durée des études pour les générations nées dans les années 1970, on sait déjà,
d’après les projections du COR[1] que les
générations nées après 1960 partiront à la retraite avec en moyenne 39 annuités
validées.
En somme allonger la durée de cotisation n’équivaut pas à
faire travailler les salariés plus longtemps mais dans bien des cas à toucher
une pension inférieure ou plus tardive. Une étude du CEPREMAP[1] réalisée
sur les réformes de 1993 et 2003 suggère
par exemple que l’allongement de la durée de cotisation requise d’une
annuité, ne se traduisait en moyenne par un allongement d’activité que de 6
mois.
Une réforme qui pénalise particulièrement les femmes
Les femmes, notamment du fait de leurs interruptions de
carrière plus fréquentes et qui sont plus concernées par le temps partiel,
réunissent moins de trimestres validés que les hommes. Même si les écarts
tendent à se réduire car l’activité professionnelle des femmes a augmenté au
cours des années 1970, les femmes parties en retraites en 2012 avaient validé
en moyenne 36,25 annuités contre 39 annuités en moyenne pour les hommes. Les
femmes sont davantage concernées par la décote, moins concernées par la surcote
et liquident en moyenne leur pension plus tard que les hommes. Cet écart les
pousse à attendre 65 ans (et bientôt 67) pour liquider leur pension, prolongeant
ainsi une période de précarité entre fin de l’emploi et retraite. En 2012, 8,6%
des femmes ont perçu une retraite avec décote contre 7,6% des hommes. Mais pour
échapper à la décote 33% des femmes partant en retraite avaient au moins 65 ans
contre 20% des hommes[2].
A chaque fois que l’on repousse la durée d’activité requise
on la rend moins atteignable pour les femmes et on prolonge la période de
précarité entre emploi stable et retraite. Par ce mécanisme, même si l’âge
légal n’est pas modifié, l’allongement de la durée de cotisation requise
signifie soit des pensions plus faibles, soit la généralisation de la
liquidation des pensions à 67 ans ou au-delà.
Une mesure largement évitable
Le Premier ministre a affirmé « qu’il n’y a pas d’autre
solution » qu’un allongement de la durée de cotisation[3]. Rien
n’est moins vrai. Selon les chiffres du gouvernement lui-même[4]
l’allongement de la durée de cotisation entre 2020 et 2035 rapportera seulement
2,7 milliards d’euros par an en 2030 et 5,6 milliards d’euros par an en 2040.
Et il n’y aurait pas moyen d’aller chercher ces sommes ailleurs ? Quand il
le veut le gouvernement sait trouver bien davantage: pour ne donner qu’un
exemple, le « Crédit d’Impôt
Compétitivité Emploi » (CICE)
véritable cadeau sans contrepartie aux entreprises et sans utilité économique
va coûter 20 milliards d’euros par an dès 2016. On pourrait aussi évoquer les
27 milliards d’exonérations de cotisations employeurs chaque année ou les
profits non taxés car ils sont détournés vers des paradis fiscaux, etc.
S’il y a bien des choix budgétaires à faire, il est tout à
fait faux de dire que l’allongement de la durée de cotisation est inéluctable,
il y a bien sûr d’autre choix possible, et des choix courageux permettraient
non seulement de ne pas allonger la durée de cotisation mais encore de revenir
sur les allongements décidés par les gouvernements précédents.
Plutôt que de travailler plus vieux, en mauvaise santé, organisons de vraies carrières complètes pour tous
Le MEDEF et les libéraux, entendus par les gouvernements
successifs plaident pour un allongement systématique de la durée de cotisation
et de l’âge légal de la retraite. Dans le même temps les entreprises poussent
les salariés seniors vers la sortie, se refusent à embaucher les salariés passé
50 ou 55 ans quel que soit leur expérience, et multiplient les embauches de
jeunes sous formes de contrats précaires et de stages plutôt qu’en CDI. Ainsi
on nous parle de cotiser 43 ans dans un monde où l’emploi stable ne concerne
que les 30-55 ans, c’est absurde !
Au lieu de tirer sur la corde part tous les bouts, en créant
de la précarité et du chômage chez les jeunes et tout en obligeant à travailler
de plus en plus vieux dans des conditions de travail dégradées, le gouvernement
et les entreprises seraient mieux inspirés de favoriser l’accès à un emploi
stable dès la première embauche et un véritable statut du travailleur salarié
qui garantisse à chacun une carrière complète et une progression salariale.
Alors que la productivité augmente nous n’avons pas besoin de travailler autant
aujourd’hui qu’hier pour produire les mêmes richesses. Plutôt qu’une société où
certains sont essorés par 43 ans d’un travail pénible tandis que d’autre
passent trop de temps au chômage, le progrès ne serait-il pas de retrouver le
chemin du partage du travail entre actifs mais aussi entre générations.
[3]
[3] Discours sur la réforme des retraites du 27/08/2013 : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/discours-sur-la-reforme-des-retraites
[3] Discours sur la réforme des retraites du 27/08/2013 : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/discours-sur-la-reforme-des-retraites
[4]
[4] Dossier de presse de Matignon : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/dossier_de_presses/dp-reforme_retraite_27-08-2013.pdf
[4] Dossier de presse de Matignon : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/dossier_de_presses/dp-reforme_retraite_27-08-2013.pdf
Manifestations dans l'Isère le 10 septembre 2013:
Bourgoin : 10h, cinéma Mégaroyal
Grenoble : 10h, place de Verdun
La Tour du Pin : 14h, rassemblement devant la s/préfecture
Roussillon : 10h, place de la République
Vienne : 15h, rassemblement devant la s/préfecture
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire